© Routledge, 2017
Conférence du professeur Hannibal Travis sur les génocides assyrien, arménien, grec et yézidi
(Watertown Public Library, Watertown, MA - 27.10.2018)
par David Boyajian
Massis Post, 31.10.2018
Les Assyriens et les Arméniens ont coexisté durant des milliers d'années et ont partagé les mêmes vicissitudes. De sorte qu'en tant qu'Arméno-américain parmi une assistance de quelque seize Assyro-américains, je savais que j'étais avec des compatriotes.
L'occasion était une conférence donnée par le professeur Hannibal Travis, intitulée "Le calvaire des réfugiés et le droit du génocide : Assyriens, Arméniens, Grecs et Yézidis," par un pluvieux et venteux samedi après-midi, le 27 octobre 2018, à la Watertown Public Library de Watertown, Mass. La manifestation était parrainée par l'Assyrian American Association du Massachusetts (AAAM).
Le thème central de cette conférence était les génocides à l'époque de la Première Guerre mondiale - ainsi que les massacres antérieurs - des Assyriens, Arméniens et Grecs chrétiens, ainsi que des Yézidis, perpétrés par la Turquie ottomane et ses alliés kurdes. Le professeur Davis évoqua aussi la victimisation actuelle des Assyriens, des Arméniens et des Yézidis par les djihadistes islamistes et autres mouvances dans les conflits actuels en Irak et en Syrie.
Le génocide assyrien
Les invasions turco-mongoles de Tamerlan au 14ème siècle, rappela H. Travis, contraignirent de nombreux Assyriens vivant dans les montagnes au nord de la Mésopotamie (sud-est de la Turquie actuelle) à quitter les villes pour les plaines méridionales.
En 1843, à Hakkari (sud-est de la Turquie actuelle), quelque 10 000 Assyriens furent massacrés et vendus comme esclaves par les tribus kurdes et les forces ottomanes.
Les "massacres hamidiens," du nom du sultan ottoman Abdülhamid II, au milieu des années 1890, sont réputés n'avoir fait que des victimes arméniennes. Or 25 000 Assyriens environ ont eux aussi péri durant ces massacres.
Lors de la Première Guerre mondiale, l'on estime que 250 000 Assyriens furent tués par la Turquie ottomane et des milices kurdes lors du génocide assyrien ou "Seyfo," qui signifie "épée" dans la langue assyrienne. Durant la même période, les forces d'invasion ottomanes massacrèrent aussi de nombreux Assyriens au nord-ouest de la Perse (Iran actuel).
En 1915, expliqua Travis, les Assyriens tinrent des poches de résistance, comme à Aïn-Wardo (sud-est de la Turquie actuelle), contre les troupes turques et les bandits kurdes - similaires aux positions de défense arméniennes de Van et Musa Dagh à la même époque.
Actuellement, 2 500 Assyriens environ considèrent l'Arménie comme leur patrie.
Le génocide yézidi
Les Yézidis ou Yazidis) furent eux aussi emportés lors des génocides qui ont submergé les chrétiens de l'empire turc au 20ème siècle.
En Irak et dans la Syrie actuels, les Yézidis se retrouvent souvent assiégés par les djihadistes de l'Etat Islamique.
La majorité des Yézidis se considère comme un groupe ethnico-religieux distinct. Ils parlent souvent la langue indo-européenne appelée le kurmandji, un dialecte kurde. Leur unique religion, le yézidisme, combine certains aspects d'autres grandes religions monothéistes.
De nos jours, les Yézidis vivent principalement en Irak et en Syrie, tandis que 30 000 environ résident en Arménie.
Hannibal Travis
Hannibal Travis est professeur associé de droit à l'université internationale de Floride à Miami. Diplômé magna cum laude de la Harvard Law School en 1999, il est l'auteur de nombreux articles sur le génocide et le droit international, ainsi que sur l'internet, les affaires, le droit d'auteur et la législation antitrust.
Il est l'éditeur de l'ouvrage The Assyrian Genocide: Cultural and Political Legacies, paru récemment (Routledge, 2017).
Sa famille maternelle est originaire des régions anciennement assyriennes de Hakkari (Turquie) et Ourmia (Iran).
Le prénom Hannibal, précise-t-il, est d'origine sémitique et attesté dans l'histoire des Phéniciens et des Carthaginois. Il signifie "la Grâce de Baal," Baal étant habituellement traduit par "le Seigneur."
Travis est déjà intervenu lors de manifestations parrainées par des organisations arméniennes telles que l'UGAB, l'Armenian Assembly of America, la Centennial Project Foundation et l'Institute of Armenian Studies de l'USC [University of South California].
Amis assyriens
Lors de cette manifestation, je me suis entretenu avec Ninos Hanna et le professeur Sargon George Donabed.
N. Hanna est président de l'AAAM [Assyrian American Association of Massachusetts] et spécialiste en communication et marketing. Sa famille maternelle est originaire de la province de Kharpert (Arménie Occidentale / Turquie), important pôle arménien avant le génocide de 1915. Sa famille paternelle est originaire de Diyarbakır et Mardin, au sud-est de la Turquie actuelle.
Sargon Donabed est professeur associé d'histoire à l'université Roger Williams de Rhode Island. Il est l'auteur de Reforging a Forgotten History: Iraq and the Assyrians in the Twentieth Century (Edinburgh University Press, 2015) et de The Assyrians of Eastern Massachusetts (Arcadia Publishing, 2006). Sa famille paternelle est originaire de Kharpert.
Je leur ai proposé d'aider à informer la communauté arménienne des manifestations et actualités assyriennes.
Espérons que cela soit le début d'une plus grande coopération entre les deux communautés.
[David Boyajian est journaliste indépendant. Plusieurs de ses articles sont archivés sur http://www.armeniapedia.org/wiki/David_Boyajian.]
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Traduction : © Georges Festa - 01.2019