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Alan Whitehorn : Commémorer le génocide arménien grâce aux mémoires de survivants et aux romans historiques / Remembering the Armenian Genocide Through Survivor Memoirs and Historical Novels

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 © ABC-CLIO, 2015


Commémorer le génocide arménien grâce aux mémoires de survivants et aux romans historiques
par Alan Whitehorn


Le génocide arménien et les massacres qui l'ont précédé constituent des aspects structurants du patrimoine et de l'identité arméniennes contemporaines. Le mode dominant d'expression littéraire du génocide arménien est de loin représenté par les mémoires de survivants et les romans historiques, ces derniers étant souvent grandement influencés par les récits familiaux. Il s'agit d'une littérature de témoignage, ayant pour objectif central de commémorer le Grand Crime / la Catastrophe. Survivor Memoirs of the Armenian Genocide (Taderon Press, 1999), de Lorne Shirinian, est l'une des premières synthèses de certains de ces ouvrages parus en anglais. Plus récemment, The Armenian Genocide in Literature: Perceptions of Those Who Lived Through the Years of Calamity (Armenian Genocide Museum-Institute, 2012) de Rubina Peroomian et The Armenian Genocide in Literature: The Second Generation Responds(Armenian Genocide Museum-Institute, 2015), avec un volume à paraître sur la troisième génération en cours, du même auteur, livrent un panorama exhaustif des écrits d'Arméniens sur les massacres et le génocide de 1915.
La première génération de survivants du génocide endura des événements traumatisants et s'efforça de décrire son atroce vécu. Beaucoup n'avaient guère ou pas d'expérience antérieure en matière d'écriture littéraire, mais compte tenu de l'amplitude terrible de ce qu'ils avaient subi et vu, ils ressentirent un devoir historique de consigner par écrit ce qui s'était passé. Leur public premier était les membres de leur famille immédiate et les générations suivantes d'Arméniens. Les auteurs aspiraient non seulement à raconter l'histoire de leur famille à la génération suivante et au public extérieur, mais aussi à combattre le déni et l'injustice de la Turquie. Nombre de ces ouvrages ont été publiés à compte d'auteur. Parfois les manuscrits restaient à l'état de brouillons, souvent non traduits en anglais, jusqu'à une date bien plus tardive. Même maintenant, nous ne possédons pas de liste exhaustive de ces ouvrages en anglais, sans parler de ceux en arménien et dans d'autres langues. Quoi qu'il en soit, ces premiers récits ont fourni une base importante et inspiré les générations suivantes qui ont grandi en diaspora. Ils ont aussi contribué à ce que les déportations en masse et les massacres ne deviennent pas un "génocide oublié."
Parmi les mémoires publiés en anglais, deux des plus célèbres furent écrits très tôt, à quelques années d'intervalle, aux Etats-Unis. Ravished Armenia (1918), l'autobiographie d'Archalouïs Martikian [Aurora Mardiganian], survivante du génocide, parut sous forme de feuilleton dans la presse, puis prit la forme d'un ouvrage à succès, pour devenir très rapidement ce qui fut probablement le premier film d'Hollywood sur un génocide. Malheureusement, le film n'existe qu'à l'état de fragments et de scénario. Ambassador Morgenthau's Story (Doubleday, Page & Co., 1918), les mémoires du témoin que fut Henry Morgenthau, ambassadeur des Etats-Unis dans l'empire ottoman, qui s'appuient sur des rapports consulaires, livrent des récits détaillés sur les déportations en masse et les massacres des Arméniens perpétrés par le gouvernement turc. L'ouvrage note aussi les efforts des Américains pour faire cesser les perpétrateurs Jeunes-Turcs et apporter une aide d'urgence aux victimes. Grigoris Balakian's Armenian Golgotha: A Memoir of the Armenian Genocide (Alfred A. Knopf, 2009) est un récit épique de quelque 500 pages dû à un éminent religieux arménien. Paru tout d'abord en arménien en deux volumes en 1922 et 1959, il resta inaccessible en anglais durant près de 90 ans. L'absence d'une traduction précoce en anglais reste un défi majeur qui empêche de nombreux mémoires d'atteindre plus rapidement un lectorat plus large.
Parmi les mémoires disponibles en anglais (énumérés par année de publication), citons Neither to Laugh Nor to Weep: A Memoir of the Armenian Genocide (Beacon Press, 1968), du religieux Abraham H. Hartunian. Citons encore The Urchin: An Armenian Escape (J. Murray, 1978) de Kerop Bedoukian, réimprimé sous le titre Some of Us Survived: The Story of an Armenian Boy (Farrar Straus & Giroux, 1979), We Walked, Then We Ran (Alice M. Shipley, 1983) d'Alice Muggerditchian Shipley, Many Hills yet to climb: Memoirs of an Armenian Deportee (J. Cook, 1986) de John (Hovhannès) Minassian, In the Shadow of the Fortress: The Genocide Remembered (The Zoryan Institute, 1988) de Bertha Nakshian Ketchian, Needles, Thread and Button(Zoryan Institute of Canada, 1988) de John Yervant [Yervant Kouyoumjian], Out of Darkness (Zoryan Institute, 1989) de Ramela Martin, Judgment Unto Truth: Witnessing the Armenian Genocide (Routledge, 1990) d'Ephraim K. Jernazian, To Armenians with Love: The Memoirs of a Patriot (Paul Martin, 1996) d'Hovhannes Mugrditchian, Passage Through Hell: A Memoir (H. and K. Manjikian, 2007) d'Armen Anush, Death March (H. and K. Manjikian, 2008) de Shahen Derderian, Accursed Years: My Exile and Return From Der Zor, 1914-1919 (Gomidas Institute, 2009) de Yervant Odian, et Goodbye Antoura: A Memoir of the Armenian Genocide (Stanford University Press, 2015) de Karnig Panian.
Les écrits de la génération suivante furent influencés non seulement par le génocide de 1915, mais aussi par son vécu d'une identité duale d'appartenance à des familles émigrées/immigrées en diaspora à travers le monde. Leurs écrits révèlent que les blessures du génocide sont profondes et trascendent plusieurs générations. Ces écrivains en diaspora décrivent leur sentiment d'aliénation et leur scission profonde avec leur patrie ancestrale et leurs nombreux proches morts et déportés. L'angoisse existentielle constitue un thème fréquent et important.
A partir des années 1960, notamment à la suite du 50ème anniversaire en 1965 du génocide arménien, une prise de conscience et le traitement littéraire du sujet augmentent. De plus en plus d'écrivains en diaspora cherchent à explorer leurs racines et à relater le destin tragique de leurs proches arméniens. America, America (Stein & Day, 1961), du Gréco-américain Elia Kazan, fut un roman, un scénario, puis ce film épique célèbre qui décrit les souffrances terribles des minorités chrétiennes arméniennes et grecques dans l'empire ottoman. The Gate(Harcourt, Brace & World, 1965) de Peter Sourian est lui aussi centré sur le génocide arménien. Passage to Ararat(Farrar, Straus & Giroux, 1975) de Michael Arlen aborde les défis de l'assimilation, de la quête d'identité, tout en narrant l'odyssée d'une découverte de soi et de ses origines. Voyages (Pantheon Books, 1971) et Daughters of Memory (City Miner, 1986) de Peter Najarian racontent eux aussi l'histoire arménienne et la quête d'identité en diaspora. David Kherdian présente la vie de sa mère dans The Road from Home: The Story of an Armenian Girl (Greenwillow Books, 1979). Rise the Euphrates (Random House, 1994) de Carol Edgarian montre que les générations suivantes d'Arméniens nés en Amérique continuent de souffrir des effets à long terme du génocide. Dans Vergeen: A Survivor of the Armenian Genocide (Atmus, 1996), Mae Derdarian se confronte au déni révisionniste du génocide par la Turquie. Dora Sakayan traduit et publie le journal de son grand-père dans An Armenian Doctor in Turkey: Garabed Hatcherian: My Smyrna Ordeal of 1922 (Arod Books, 1997). Black Dog of Fate (Basic Books, 1997), plusieurs fois primé et qui eut une grande influence, de Peter Balakian, retrace un périple existentiel complexe qui débute dans les banlieues aisées de l'Amérique, tout en dévoilant progressivement un passé fait de couches croissantes de violences et de souffrances d'une famille arménienne ottomane au sens large. Comme une descente dans les tréfonds de l'enfer.
L'aube du 21ème siècle connaît une poursuite des écrits littéraires sur le génocide arménien. La liste potentielle est considérable. Entre autres ouvrages citons : A Summer without Dawn: An Armenian Epic (Saqi Books, 2000) d'Agop Hacikyan et Jean-Yves Soucy relate la prise de conscience de l'ampleur du génocide. Le roman Lines in the Sand: Love, Tragedy, and the Armenian Genocide (Lines in the Sand, 2001) est publié par Thomas Ohanian, auteur d'un film documentaire sur le génocide. Victoria's Secret: A Conspiracy of Silence(Victoria Lazarian Heritage Assn, 2001) de Vickie Smith Foston relate comment ses ancêtres arméniens ont fui les massacres hamidiens des années 1890. Three Apples Fell from Heaven (Riverhead Books, 2001) s'inspire de la découverte par Micheline Aharonian Marcom de l'histoire de la vie de sa grand-mère. Hagop: An Armenian Genocide Survivor's Journey to Freedom (Armenian Heritage Press, 2003) de Theodore D. Kharpertian est le récit du chemin d'ordalie de son père. Sara Chitjian a transcrit, traduit et publié les brouillons des mémoires de son père dans A Hair's Breadth From Death: The Memoirs of Hampartzoum Mardiros Chitjian (Taderon Press, 2003). La Masseria delle allodole (Rizzoli, 2004) d'Antonia Arslan est un roman historique sur les souffrances de sa famille durant le génocide, qui a été ensuite adapté au cinéma. Mayrig (Robert Laffont, 1985; trad. anglaise par Elise Antreassian Bayizian, St. Vartan, 2006) d'Henri Verneuil (Achod Malakian) est un roman historique sur les conditions difficiles d'existence d'une famille arménienne contrainte à l'exil. L'ouvrage a fait l'objet d'un film. The Knock at the Door: A Journey Through the Darkness of the Armenian Genocide (Beaufort Books, 2007) de Margaret Adjemian Ahmert est l'histoire de la survie de la mère de Margaret en proie aux déportations en masse et aux massacres. The Edge of the World (Fremantle Press, 2007) de Marcella Polain est une "autobiographie fictive" qui dépeint la fragmentation d'une famille arménienne suite au génocide et à l'exil forcé.
A la veille de 2015, année de la 100ème commémoration du génocide, un nombre croissant d'ouvrages sont apparus, dus à une autre génération d'écrivains en diaspora. The Sandcastle Girls (Doubleday, 2012) de Chris Bohjalian est un récit romanesque situé en plein génocide. Like Water on a Stone (Delacorte, 2014) de Dana Walrath, poème épique digne d'une tragédie grecque, narre le récit poignant de deux enfants qui survivent aux épreuves du génocide. S'appuyant sur les tentatives précédentes de ses proches, Armen T. Marsoobian relate l'histoire d'une famille dans Fragments of a Lost Homeland: Remembering Armenia (I.B. Tauris, 2015). As the Poppies Bloomed (Salor, 2015) de Maral Boyadjian est un récit romanesque ayant pour cadre le génocide. The Hundred Year Walk: An Armenian Odyssey(Houghton Mifflin Harcourt, 2016) de Dawn Anahid MacKeen entrelace les autobiographies d'un survivant du génocide et celle de sa petite-fille, qui retrace son périlleux voyage un siècle plus tard.
Les différentes générations de mémoires et romans historiques sur le génocide arménien révèlent la souffrance toujours présente des Arméniens à travers le monde. Le génocide est devenu une part constitutive de l'identité arménienne. En tant que tels, les écrivains arméniens, même un siècle plus tard, se sentent obligés de consigner par écrit le génocide arménien et, ce faisant, de faire en sorte qu'il ne devienne pas un "génocide oublié."

[Alan Whitehorn est l'éditeur de The Armenian Genocide: The Essential Reference Guide (ABC - CLIO, 2015).]                             

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Traduction : © Georges Festa - 08.2017



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