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en mémoire d'Isabelle Sadoyan,
Il est de ces films qui nous emportent, nous atteignent au plus vif, nous révèlent. Mayrig, ce paradigme d'une odyssée familiale, étrangère, et pourtant si proche. Fraternelle. Grandir entouré de témoins, de veilleurs. Rescapés de l'innommable. Opposant leur dignité quotidienne à l'oubli, à l'ignorance extérieure. Autant d'instants, de personnages qui nous lancent des ponts, nous amarrent. Dans ce quatuor de naufragés l'étoile qui jamais ne les quitte, ce soleil par effraction, nourriciers, comme autant de braises. Car il faut ce courage obstiné, cette fidélité à la vie, cet instinct du don pour surmonter l'anéantissement, la dispersion, l'égoïsme. Dans ce puzzle se superposent d'autres Marseille, d'autres Azad, d'autres Anna, d'autres Gayané. Regards qui se font remparts, mains confiantes. Ma grand-mère, toute de noir vêtue, debout en dépit des tourmentes. Sillages que l'on devinait, arbres généalogiques que l'on reconstituait. Peu à peu. Tel un tapis en lambeaux, dont il s'agissait de retrouver les mailles. Fidélité des saveurs, des odeurs. Rites de passage. Dans ce dédale de l'histoire. Valises et bagages. Le précaire jamais loin. Tapi à la façon d'une horloge dictant sa loi. Ne pas dire, mais deviner, pressentir. Famille de somnambules. Miraculés du hasard. Tissés de vie et de mort. Agités de fils invisibles. L'ailleurs, les autres. Chaque jour. Puisqu'il s'est agi de nous effacer, de nous oublier. Retracer la route. Amalgamer ce qui résiste. Quatuor de géants. Hissant leur nuit à la hauteur du mythe. Avoir été Azad. Entre deux rives. Deviner les autres Azad. L'errance en partage. Les métissages. Dans la transmission, mais aussi les découvertes. Qui se nourrissent, s'interpénètrent. L'étoile de tante Anna. Qui ne m'a jamais quitté.
© georges festa - 07.2017