Lerna Ekmekçioğlu
Recovering Armenia : The Limits of Belonging in Post-Genocide Turkey
[L'Arménie retrouvée : les limites de l'appartenance dans la Turquie de l'après-génocide]
Stanford University Press, 2016, 222 p.
Armenian Voice (Londres), Autumn 2017, No. 70
Recovering Armenia propose la première étude en profondeur sur les conséquences du génocide arménien de 1915 et les Arméniens qui sont restés en Turquie. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, alors que les puissances alliées victorieuses occupaient les territoires ottomans, les Arméniens survivants regagnèrent leurs villes d'origine, espérant pouvoir créer une Arménie indépendante. Mais la résistance turque l'emporta et en 1923 les Alliés se retirèrent, la république de Turquie fut instaurée et les Arméniens à nouveau réduits à rebâtir leurs communautés au sein d'un pays qui les considérait toujours comme des traîtres.
Lerna Ekmekçioğlu étudie comment les Arméniens retrouvèrent leur identité dans ce bouleversement politique. Analysant les textes et l'iconographie arménienne produits à Istanbul de la fin de la Première Guerre mondiale au début des années 1930, Ekmekçioğlu donne la parole à des personnalités marquantes de la communauté, notamment Haïganouche Mark, militante reconnue, féministe et éditrice de l'influent Hay Guin [La Femme arménienne]. Ces personnalités articulaient une arménité s'appuyant sur les différences de genre, alors que les femmes jouèrent progressivement un rôle essentiel, préservant les traditions, la mémoire et la langue maternelle au sein du foyer. Or, même si les femmes étaient honorées pour leurs fonctions traditionnelles, un puissant mouvement féministe trouva l'occasion d'influer sur la communauté.
Au final, l'ouvrage explore ce paradoxe : comment être Arménienne et féministe dans la Turquie de l'après-génocide alors que, via ses lois et règlements, le moyen clé pour les Arméniens de préserver leur identité passait par des rôles traditionnels assignés au genre.
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Traduction : © Georges Festa - 01.2019