Stefan Ihrig
Justifying Genocide: Germany and the Armenians from Bismark to Hitler
Harvard University Press, 2016
Armenian Voice (Londres), n° 69, Spring 2017
L'on s'imagine souvent que le génocide arménien et la Shoah sont très éloignés dans le temps et l'espace. Stefan Ihrig montre au contraire qu'ils sont bien plus en lien qu'on ne le pensait jusqu'ici.
Bismark, puis Guillaume II, assirent leur politique étrangère sur des relations étroites avec un empire ottoman stable. Dans la mesure où les Arméniens contestaient le pouvoir ottoman, ils constituaient aussi un problème pour l'Allemagne. Dès les années 1890, l'Allemagne s'accoutuma à excuser les violences contre les Arméniens, en faisant même une nécessité de politique étrangère.
Aux yeux de nombreux Allemands, les Arméniens représentaient un problème explicitement racial et, malgré le christianisme de ceux-ci, ils les décrivaient comme les "Juifs de l'Orient."
Comme le révèle Stefan Ihrig dans cette première étude exhaustive sur ce sujet, de nombreux Allemands, avant la Première Guerre mondiale, sympathisèrent avec la répression anti-arménienne exercée de longue date par les Ottomans, allant jusqu'à défendre vigoureusement le programme d'extermination mis en œuvre durant la guerre par les Ottomans.
Après la Première Guerre, dans ce que Ihrig nomme le "grand débat sur le génocide," les nationalistes allemands ont tout d'abord nié, puis justifié ce génocide dans des termes explicites. Les nazis, eux aussi, en viendront à considérer ce génocide comme justifié . Dans leur vision de l'histoire, le génocide arménien a rendu possible l'essor stupéfiant d'une Turquie nouvelle.
Ihrig prend soin de noter que ce lien n'implique pas que le génocide arménien ait provoqué la Shoah, sans rendre pour autant l'Allemagne moins coupable. Cela étant, aucune histoire du 20ème siècle ne saurait ignorer les liens profonds, directs et dérangeants entre ces deux crimes.
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Source : http://caia.org.uk/magazine/
Traduction : © Georges Festa - 07.2017