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Storie di dopo il genocidio / Récits de l'après-génocide : Kévork Halagian [George Haladjian] (1885-1966)

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 Vue de Sivas (Turquie), juillet 2006
© Jarekt - CC BY-SA 3.0 / https://commons.wikimedia.org


Récits de l'après-génocide

Akhtamar on line (Rome), n° 207, 01.10.2015


Le nom de Kévork Halagian [George Haladjian] (1885-1966) ne dira rien à beaucoup de gens, et pourtant il s'agit d'un personnage méritant, d'une ingéniosité incroyable, au point qu'on ne sait s'il faut l'appeler un bienfaiteur ou un héros; ou bien les deux en même temps, mais aussi quelque chose de plus. En fait, l'on ne peut qu'être émerveillé par l'habileté et l'audace, outre le patriotisme, de cet Arménien qui, tout en étant incarcéré en Turquie, voici 90 ans, mena à bien des entreprises incroyables, sauvant la vie de nombre de ses compatriotes.

Né dans le village arménien de Khndzorek, dans la région du Dersim (l'actuel Tunceli en Turquie), située juste au sud de l'Euphrate oriental, il grandit dans le voisinage immédiat de villages kurdes, fraternisant dès sa prime jeunesse avec leurs habitants, parlant leur langue, jouant avec leurs enfants. Une fois ses études achevées, il se consacra à l'enseignement, visitant au long et en large toutes les localités, les montagnes, les fleuves et les vallées de la région du Dersim, territoire montagneux où, aux côtés des villages kurdes, s'en trouvaient aussi d'autres, peuplés d'Arméniens. Il se rendit dans tous les villages de la région, se liant d'amitié avec les divers chefs de tribus kurdes, prit part à leur vie quotidienne, aux rites, aux cérémonies, aux querelles de la population du lieu, connut les diverses tribus kurdes et enseigna la langue kurde, en caractères arméniens, aux enfants kurdes. Il visita les monastères et les églises arméniennes, les sanctuaires musulmans, recueillant un inestimable matériau sur l'ethnographie et le folklore arménien et kurde de la région.

En 1925, alors qu'à Constantinople, marié et père d'une petite fille, il gérait une activité commerciale, il fut arrêté sous l'accusation de conspirer avec les Kurdes contre l'Etat turc. A cette époque, dans les provinces orientales de la Turquie, un soulèvement kurde avait débuté, férocement combattu par le dictateur de la Turquie nouvelle, Mustafa Kemal Atatürk. Kévork Halagian fut transféré à Kharpert devant le Tribunal de l'Indépendance, qui le condamna à mort, commuant la peine à 15 ans de bagne et 101 ans de détention en forteresse, devant être purgés à Sébaste (l'actuelle Sivas). Incarcéré dans cette ville, il réussit, grâce à son esprit d'entreprise, à se faire bien voir de l'économe de la prison, à qui il enseigna une méthode pour tenir la comptabilité d'une façon beaucoup plus facile que celle usitée par ce dernier. Familiarisé avec la comptabilité, il proposa, et fit adopter, au directeur de la prison un système de gestion grâce auquel celui-ci doubla ses revenus.

Tout ceci lui valut la bienveillance, sinon la complicité, du directeur, grâce à qui il fut transféré dans un atelier de la prison beaucoup plus confortable, avec une chambre individuelle, son propre bureau et la liberté de recevoir des visites. Il y avait alors à Sébaste près de 2000 Arméniens, survivants du génocide et réfugiés des villages environnants. Beaucoup étaient des enfants ou des femmes, qui avaient été enlevées et conduites dans les harems de personnalités turques. Tout en étant en prison, Halagian prit contact avec ses compatriotes présents dans la ville et constitua un comité de trois femmes, qu'il chargea de localiser les Arméniennes recluses dans les harems turcs. Ces dames se mirent rapidement à l'œuvre et découvrirent un certain nombre de femmes et d'adolescentes retenues par des Turcs; elles les contactèrent afin de les aider à fuir et les mettre à l'abri à Constantinople ou à l'étranger. Mais, pour ce faire, une certaine somme était nécessaire et c'est pourquoi Halagian fit venir le prêtre arménien de cette ville, en lui demandant d'écrire à Constantinople, au Patriarcat arménien, pour que ce dernier envoyât de l'argent. Le prêtre, peureux de nature, refusa, mais devant l'insistance d'Halagian, fut contraint d'écrire, moyennant quoi une somme parvint, permettant de mettre à l'abri de nombreuses femmes. Il y eut ensuite le cas particulier d'une jeune Arménienne, hébergée dans un orphelinat turc, dont la direction avait décidé de la marier à un Turc. Le comité des trois dames ne savait comment la sauver; aussi, après s'être rendues à la prison, demandèrent-elles conseil à Halagian, qui leur dicta la stratégie à suivre. La jeune Arménienne reçut pour instruction de se plaindre à maintes reprises auprès de la direction de l'orphelinat, racontant que, plusieurs fois, des hommes avaient tenté de la violer. C'est pourquoi la jeune fille déclara avoir peur et, durant toute une semaine, ne voulut pas sortir. Puis, huit jours plus tard, elle sortit à nouveau et, conformément aux accords passés, elle se réfugia auprès de la famille d'une des trois dames arméniennes. N'étant pas rentrée à l'orphelinat, là tout le monde crut qu'elle avait été violée et, comme les violeurs devaient être Turcs, la direction se réjouit qu'une "infidèle" ait été épousée par un musulman. Puis, dans le calme et confiée à des gens sûrs, la jeune fille fut envoyée à Constantinople.

Dans la ville de Sébaste se trouvaient de nombreux enfants arméniens qui, n'allant pas à l'école, les écoles arméniennes étant interdites et ne voulant pas s'inscrire dans les écoles turques, passaient leur temps dans la rue. Aussi Halagian fit venir dans sa prison deux Arméniennes, qui avaient été institutrices, ainsi que quelques Arméniens aisés, à qui il demanda de trouver un lieu où fut établie, en grand secret, une école clandestine, avec une cinquantaine d'élèves. Ils firent par la suite arriver de Constantinople des abécédaires et des livres de grammaire arménienne.

Or le chef de la police de Sébaste était un ennemi juré d'Halagian et ne voyait pas d'un bon œil sa situation de détenu privilégié; aussi se démena-t-il pour le faire retourner en prison, purement et simplement. Mais, là aussi, Halagian réussit à tourner la situation à son avantage. Pendant ce temps, il lança des cours pour les détenus, leur enseignant les mathématiques et le français; puis, étant donné que dans la prison se trouvaient des clans à base ethnico-religieuse - Turcs, Kurdes, Alévis, Lazes, etc. -, il fit en sorte, se tenant en coulisse, de monter contre les Turcs, qui dominaient la population carcérale, les autres groupes. Il y eut des heurts violents, avec des morts et des blessés, suite à quoi la domination des Turcs fut écrasée et Halagian, véritable manœuvrier de ces combats, assuma le rôle de médiateur et de chef incontesté et respecté de toute la population carcérale.

La vie des Arméniens demeurés à Sébaste était des plus misérable, soumis en toutes circonstances aux vexations des autorités locales et aux mauvais traitements de la population turque; aussi nombre d'entre eux désiraient émigrer et partir en Arménie. Comme il existait encore, à cette époque, une mission commerciale de l'Arménie à Constantinople, Halagian lui écrivit pour lui demander, au nom des requérants, de pouvoir les faire transférer en Arménie. Après un long silence, la réponse arriva, au terme de laquelle le gouvernement arménien, avant d'octroyer le permis d'immigrer, posait de nombreuses questions, toutes plus ardues les unes que les autres. Impossible, en particulier, de fournir une réponse à l'une d'elles : il était demandé de fournir les données, région par région, du nombre d'Arméniens restés dans les régions intérieures de la Turquie. Les Arméniens, auxquels fut transmise la réponse du gouvernement arménien, consultèrent, effondrés, Halagian qui les rassura, leur disant qu'il ferait le nécessaire. Et, de fait, il fit venir à l'instant auprès de lui plusieurs détenus kurdes, tous originaires de différentes régions et leur demanda d'écrire à leurs proches, pour qu'ils puissent répondre, en fournissant les données, ville après ville et village après village, relatives aux Arméniens habitant leurs régions d'origine. De par son autorité et son ascendant sur les prisonniers, il fut facile d'obtenir des réponses aux questions posées par le gouvernement arménien, à qui fut expédiée toute cette documentation, grâce à laquelle de nombreux Arméniens purent s'installer en Arménie.

Au faîte de son efficacité, Halagian réussit à faire commémorer en grande pompe par toute la prison la date du 24 avril, anniversaire du génocide, et le 28 mai, anniversaire de l'indépendance de l'Arménie.

Or le chef de la police continuait de comploter contre Halagian et, contre la promesse d'un aménagement de peine à un détenu de l'ethnie Laze, il le convainquit d'empoisonner Halagian, en déposant continuellement du poison à action lente dans son eau potable. Mais Halagian, qui n'était pas né de la dernière pluie, soupçonna quelque chose et, grâce à son ascendant sur les détenus, fit avouer le conjuré et la tranquillisa, en lui disant de continuer à déposer son poison, pour ne pas renoncer aux aménagements de peine promis par le chef de la police, car quant à lui, il ne s'empoisonnerait pas, ne buvant pas d'eau depuis sa détention.

En 1928, le gouvernement turc ayant entamé des négociations avec les rebelles kurdes, des prisonniers politiques, condamnés pour avoir participé au soulèvement des Kurdes, furent libérés. Halagian fut lui aussi relâché, mais un guet-apens fut projeté afin de le liquider durant le voyage; bien évidemment, l'organisateur n'avait pas réalisé qu'il avait affaire à plus malin que lui. Et, de fait, il réussit à éviter facilement ce piège et à gagner, sain et sauf, Constantinople, d'où il partit en Amérique où, en 1932, il publia ses mémoires intitulés Vers la potence (1). Il est décédé en Arménie en 1966.                   

NdT

1. George Haladjian. Vers la potence [en arménien]. Traduction américaine [To the gallows] en cours [Mher Beyleryan] - http://www.aysor.am/en/news/2015/05/11/%E2%80%9CThe-Armenian-Genocide-Breaking-the-Silence%E2%80%9D-%E2%80%9CHundred-Years-of-Sin%E2%80%9D-a-book-about-return/948696(trad. à paraître sur notre blog)

___________

Traduction de l'italien : © Georges Festa - 10.2015



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