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Genocidio armenio y terrorismo internacional, en la mirada de Khatchik Derghougassian / Génocide arménien et terrorisme international : entretien avec Khatchik Derghougassian

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 © Capital Intelectual, 2012

Génocide arménien et terrorisme international
Entretien avec Khatchik Derghougassian
par Nabih Yussef


[Docteur en Relations Internationales de l'université de Miami et professeur à l'université de San Andrés (Argentine), Khatchik Derghougassian analyse le combat de la diaspora arménienne en quête de réparation historique, les défis de la réflexion sur le terrorisme contemporain, tout en livrant sa vision du débat public concernant l'intervention des forces armées dans la sécurité intérieure.

Politologue d'origine arménienne, il a émigré en 1987 en Argentine et depuis lors participe activement à la communauté académique nationale en tant que spécialiste de la sécurité, de la prolifération des armements et des études sur la Guerre froide.]

- Nabih Yussef : Pourquoi l'Argentine reconnaît-elle le génocide arménien ? Dans quelle mesure la diaspora arménienne a-t-elle influé sur cette reconnaissance ?
- Khatchik Derghougassian : Je crois que la question serait plutôt de savoir pourquoi l'Argentine ne reconnaissait pas le génocide arménien. Le concept de diaspora a partie liée avec la racine du génocide, la dispersion des Arméniens et la soviétisation du pays. L'objectif de la diaspora fut la préservation de l'identité dans l'espoir d'obtenir justice et de retourner en Arménie. En général, toutes les diasporas pensent de même, avec une mère-patrie ou une patrie imaginaire. Sur la base de cet état de fait, un procès est organisé en 1919 à Istanbul (Turquie) contre les perpétrateurs de ce crime sans leur présence, puisqu'ils avaient pris la fuite. Or ce procès n'aboutit pas, du fait de l'ascension politique de Mustafa Kemal qui, suite à son projet de bâtir une identité turque laïque et moderne, finit par officialiser une politique de mise en sourdine du génocide. Autrement dit, ce crime contre l'humanité fut oublié. Y contribua la politique bolchévique de l'ex-Union Soviétique, alliée de la Turquie kémaliste en guerre avec les Occidentaux, puis les intérêts des grandes puissances qui voulaient une Turquie neutre afin de freiner l'expansion soviétique. Après la Seconde Guerre mondiale, dans le contexte de la Guerre froide, lorsque la Turquie intègre l'OTAN, l'oubli s'officialise au plan international. Autrement dit, tout le monde savait qu'un génocide s'était produit, mais personne ne le disait publiquement pour ne pas porter ombrage aux Turcs. Entretemps, Raphaël Lemkin forge en 1944 le concept de génocide et en 1948 nous obtenons la Convention sur le génocide. Dans cet intervalle, un processus de renouvellement générationnel s'opère au sein des communautés arméniennes au Moyen-Orient et, à partir du milieu des années 1960, lorsque la troisième génération de survivants prend les rênes, une génération intégrée, qui fréquente les universités, qui découvre le monde, la question est : "Et le génocide des Arméniens ?" C'est le début des manifestations demandant justice pour le génocide arménien, y compris en Arménie soviétique. En 1973, l'ONU élabore un rapport sur le génocide à travers le monde, mais, du fait des pressions du représentant turc, le génocide arménien n'y figure pas. C'était le crime parfait, il n'a pas eu lieu, il n'a pas existé ! Contre cela, il y a eu un important activisme de la diaspora avec des mobilisations au plan politique pour sortir le génocide de l'oubli. C'est là où la Turquie lance une diplomatie du déni, commençant à déclarer aux pays qu'elle ne voyait d'un bon œil une résolution en faveur du génocide.

-  Nabih Yussef : Quelle fut la réaction des pays avant le génocide ?
-  Khatchik Derghougassian : Jusqu'en 1986, aucun président ne s'est risqué à utiliser le mot génocide en public. Or, en Uruguay, il existait une loi de 1965 qui mentionnait le génocide des Arméniens et qui allait encore plus loin, se prononçant en faveur de la restitution des territoires usurpés par les Turcs. Mais la dictature est survenue, avec l'oubli, et tout s'arrêta.

C'est en 1986 que François Mitterrand mentionne publiquement le mot de génocide, et en 1987 Raúl Alfonsín. La réaction de la Turquie fut phénoménale. En outre, l'on savait que la chancellerie argentine était contre la référence au mot génocide de la part d'Alfonsín. C'est alors que s'ouvre un processus important. Le Parlement Européen vote une loi où il conditionne l'entrée de la Turquie à la reconnaissance du génocide arménien. Ce processus conduit à inscrire au calendrier ce crime oublié. Or, que signifie reconnaître ? Dans le cas de l'Argentine, il s'agit d'une reconnaissance du pouvoir exécutif; d'une loi du pouvoir législatif; et au niveau du pouvoir judiciaire, d'un procès qu'intente en 2011 une famille arménienne, laquelle demande à l'Etat argentin de demander à la Turquie des explications quant au génocide. Or, il existe encore des pays qui ne reconnaissent pas le génocide : les Etats-Unis parlent de tout, sauf du mot génocide, car cela leur crée des problèmes. Chaque fois qu'une loi est sur le point de sortir au Congrès, un veto présidentiel s'y oppose. A un moment donné, nous nous assoirons à la table de négociation, mais pas pour débattre du génocide, ni comment en réparer les conséquences.

- Nabih Yussef : De nombreux peuples n'ont pas d'Etat ou en contestent l'organisation actuelle, et leur lutte est rapidement qualifiée de "terroriste" par les grandes puissances. C'est le cas de la Tchétchénie, du Kurdistan ou de la Palestine. Pourquoi ?
-  Khatchik Derghougassian : Parce qu'il existe une vaste construction sociale qui s'est imposée via le concept de terrorisme, avec un malentendu à ce sujet. Le terrorisme est une lutte violente qui parie sur l'impact psychologique de ses frappes. Si l'on veut considérer comme organisation terroriste une organisation politique qui, à un moment donné, a recouru à la violence politique, pratiquement tout le monde est concerné. Tous les pays qui luttent aujourd'hui contre le terrorisme, y compris les Etats-Unis et la France, ont recouru à un moment donné à la violence politique. Le problème principal n'est pas le terrorisme, mais les conditions internationales qui font que le terrorisme est un moyen efficace pour la portée médiatique de leurs projets, d'où une forte politisation de leurs usages du terrorisme. Mais il faut faire attention parce que le terrorisme pour les uns constitue un combat politique pour d'autres. Ce qui ne veut pas dire que l'on justifie l'Etat Islamique ou la barbarie qui règne au Moyen-Orient.

-  Nabih Yussef : Le gouvernement argentin, à travers le ministère de la Sécurité, s'est exprimé à plusieurs reprises, parlant de "maras" [gangs - NdT] dans le pays et même de "cellules terroristes," comme s'il cédait du terrain pour débattre de l'intervention des forces armées dans la sécurité publique. Quel est ton point de vue sur ce scénario ?
-  Khatchik Derghougassian : Mêler les forces armées à la sécurité publique est une régression. Dans aucun pays cela n'a donné de bons résultats, et j'inclus le Mexique. Les résultats ont été très controversés. Dans le cas de l'Argentine, il y a une forte résistance de la société civile. Or, chercher des excuses et créer de la confusion pour impliquer les forces armées n'est pas la solution. Parler de terrorisme en pensant à une alliance avec les Etats-Unis n'est pas non plus nécessaire. Inutile de confondre pour recourir à de nouvelles lois avec de nouvelles formes d'intervention, mais sans impliquer les forces armées. Car, même si nous sommes dans une zone de paix, cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas un rôle pour les forces armées dans la défense du pays; cela dit, je n'invite pas à une politique extérieure militarisée. Mais nous devons éviter de confondre et d'"être attractifs," en parlant de terrorisme. Nous devons éviter la tentation d'encourager une opinion publique qui soit en faveur de l'intervention des forces armées, en pensant que c'est là la solution des problèmes. Ce qui ne veut pas dire que nous ne devons pas chercher résolument une solution aux problèmes.    

[Analyste international, journaliste et chercheur auprès du Consejo de Estudios Interdisciplinarios Económicos y Politícos, Nabih Yussef travaille actuellement comme sous-directeur du CEIEP et animateur de la radio FM Café Internacional (88.9). Parallèlement à ses contributions au CEIEP, il étudie l'italien et l'arabe. Un livre qui l'a marqué : El concepto de lo político, de Carl Schmitt. Contact : nabih.yussef@CEIEP.org]
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Traduction de l'espagnol : © Georges Festa - 11.2016



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